jeudi 7 février 2008

Résumés des exposés - 10 décembre 2008

Thomas Boyer : Pourquoi y a-t-il plusieurs interprétations de la mécanique quantique ?

La mécanique quantique a cette particularité d'être une théorie pour laquelle on a proposé de multiples interprétations. Et il semble qu'aucun consensus ne parvienne à se dessiner autour de l'une d'entre elles, que ce soit dans la communauté physicienne ou philosophique. Prenant au sérieux la possibilité que la situation de prolifération des interprétations perdure, nous chercherons à comprendre ce qui la rend possible sur le long terme. Ayant écarté une explication qui porterait sur l'insuffisance des critères usuels de choix entre théories, nous proposerons une explication "naturalisante". Nous montrerons que l'exigence de progrès qui caractérise la science n'est pas mise en péril par une pluralité d'interprétations. La partie mathématique de la théorie étant commune, les travaux scientifiques demeurent mutuellement féconds : aucune pression ne s'exerce pour une interprétation unique.

Jacques Cabaret : Qu'est ce qu'un expert de la santé (animale) ?

Cette question paraissait simple au départ : les experts sont ceux admis par la société civile (vétérinaires en Europe et vétérinaires et infirmiers vétérinaires en Afrique par exemple). Mais que faire des "sham doctors" et des "empiriques " ?

"Un expert est différent d'un spécialiste qui doit être capable de résoudre un problème alors que l'expert doit connaitre la solution. Weinstein (2005) indique que deux types d'experts sont en exercice: les premiers se fondent sur ce qu'ils savent (expertise épistémique) alors que d'autres se focalisent sur ce qu'ils font (expertise en action). L'expertise, en entreprise, a également des dimensions comportementales qui ont été développé par ML Germain (2006 : la mesure d'expertise généralisée), qui rajoute des dimensions à celles proposées par Swanson et Holton (2001). Tynjälä (1999), propose une construction de l'expertise pour les étudiants dans le monde universitaire. La coalescence de ces deux approches permettra d'appréhender deux angles d'interprétation de l'expertise. Une troisième orientation est celle des experts populaires, soit au sens de S. Atran (1990) pour les sociétés dites "primitives ou primaires" ou bien au sens de la transgression légale des rebouteux et des empiriques en particulier en médecine vétérinaire, pour les sociétés occidentales. Je reprendrai des données concernant la santé animale des animaux de rente au Pakistan, car leur analyse permet de situer la vision des différents acteurs (de l'éleveur au vétérinaire).

La question philosophique est de comprendre comment les "experts" en santé animale acquièrent leur légitimité au sein des utilisateurs. La base est-elle technique ? sociale ? ou culturelle ?"

Gilbert Lechermeier : Emergence et définition du vivant

Un des enjeux philosophique et scientifique en biologie, c'est de pouvoir articuler une définition du vivant qui soit compatible avec les lois fondamentales de la nature. Par là il s'agit de pouvoir restituer l'originalité d'un vivant au sein d’un monde matériel. C'est donc pouvoir expliquer son avènement comme rupture au sein d’un monde matériel qui serait pensé dans le cadre de la physique et de la chimie. Il s'agira alors d’articuler une définition de la vie, du vivant, avec la permanence des principes physiques et chimiques fondamentaux de la nature, de leur application continue tout au long d'une histoire qui ferait passer une collection de polymères aux propriétés remarquables, du stade de chaos moléculaire vers celui d’un collectif organisé, doté d'une forme de stabilité, mais capable de tracer sa voie pour enfin rejoindre le vivant tel que nous l'appréhendons et le décrivons.

Dans cet ordre d'idée, il nous semble qu'une approche émergentiste pourrait donner consistance à une explication qui ferait de la vie une nouvelle forme de la matière résultante d’un processus temporel mettant en jeu la durée, des principes physico chimiques, des variations contingentes, un mécanisme de sélection etc.

Pierre-Olivier Méthot : « Rien ne fait sens en médecine sauf à la lumière de l'évolution » (Nesse et Williams 1995) …Vraiment? La médecine darwinienne et l'autonomie de la connaissance médicale

La médecine darwinienne prétend que la théorie néo-darwinienne de l'évolution peut fournir à la médecine un paradigme de recherche utile. Dans cet exposé, je montre d'abord que cette idée recouvre un effort de naturalisation des concepts médicaux que sont le normal et le pathologique, la santé et la maladie. Dans un deuxième temps, je montre que cette question a des implications pour l’épistémologie de la médecine : si la compréhension des concepts clés de la médecine nécessite un apport théorique fondamental de la biologie de l'évolution et donc que « rien en médecine ne fait sens sauf à la lumière de l'évolution », doit-on en conclure que l'épistémologie de la médecine ne se distingue pas de celle de la biologie? J'examine ensuite trois hypothèses qui permettent de reconnaître une certaine autonomie à un discours de second de degré portant sur les buts, méthodes et concepts du domaine médical et qui nous autorisent à penser que beaucoup de choses en médecine font sens, finalement, hors du cadre évolutionniste.

Johannes Martens : De la socialité à l'individualité : vers une approche économique de l'évolution des organismes

Depuis une vingtaine d'années, de nombreux concepts et modèles empruntés à la théorie économique – par ailleurs déjà largement utilisés dans le contexte des théories sur la coopération humaine et animale – ont été progressivement appliqués en biologie afin d'élucider la question de l'émergence des organismes multicellulaires au cours de l'évolution. Dès lors, dans le contexte de cette utilisation originale d'outils économiques, consistant pour l'essentiel en une approche des phénomènes biologiques en termes de coûts et de bénéfices issue de la théorie évolutionnaire des jeux, nous nous attacherons plus particulièrement à l'analyse conceptuelle des modalités qui conditionnent de manière dynamique la transition du simple stade de la socialité à celui de l'individualité biologique. Cette réflexion sera ainsi l'occasion de montrer en quoi l'application récente de ces modèles économiques à la question de l'évolution des organismes nous invite directement à repenser le statut ontologique des organismes par contraste avec celui des autres types d’organisations biologiques, notamment en confrontant notre réflexion à des entités dont l'individualité fait problème, comme par exemple la plupart des colonies d'insectes eusociaux ou certaines associations symbiotiques.

Sandra Pravica : Gaston Bachelard et la révision de l'induction


Partant de son vocabulaire épistémologique particulier (p. ex. induction transcendante, enveloppement, transcendances expérimentales), nous allons considérer les propositions de Gaston Bachelard concernant le concept de l'induction des années 1930. En reliant celles-ci d’une manière synchronique aux positions essentielles des discussions sur le problème de l'induction (p. ex. celles de Reichenbach, Popper, Neurath, Nicod), nous montrerons comment Bachelard reprend, transforme et révise la notion de l’induction courante, et procède en même temps à un déplacement radical du problème épistémologique de l'induction. La façon dont ce déplacement se comporte face à la séparation entre le contexte de la justification et le contexte de la découverte, s'instituant à l'époque, nous intéressera particulièrement.


Antonine Nicoglou : Plasticité et variation


Nous examinerons l'importance de la conception intuitive que les biologistes peuvent avoir de la plasticité dans des domaines aussi variés que la biologie du développement, l'écologie ou encore la génétique. A partir du 20ème siècle la plasticité du vivant a fait l'objet d'une attention plus particulière. Cette attention a permis de mettre en place des définitions plus techniques de la plasticité, celles-ci ne reposant plus seulement sur une conception intuitive, qui serait issue du 18ème siècle, mais sur des données expérimentales et parfois statistiques. Nous nous demanderons en quel sens l'approche intuitive de la plasticité apporte un éclairage particulier à la question de la variation dans le vivant, éclairage qui ne semble pas encore totalement établi lorsqu’on se réfère à des notions plus scientifiques de la plasticité.

Frédérique Théry : Le concept de mécanisme en biologie: étude à partir de l'exemple de la régulation de l'expression génétique par les ARN

Dans de nombreux domaines de la biologie, l'élaboration d'explications nécessite la découverte de mécanismes. Le concept de mécanisme est ainsi un concept clé en biologie, comme l'ont déjà fait remarquer de nombreux philosophes des sciences. La biologie moléculaire, qui s'intéresse à l'étude des macromolécules et à leurs rôles au sein des organismes vivants, est particulièrement concernée par la découverte et la description de mécanismes. Les problématiques philosophiques en lien avec ce concept de mécanisme sont nombreuses : qu'est-ce qu'un mécanisme ? Quelles sont les distinctions entre une explication mécanistique de bonne et de mauvaise qualité ? En quoi les explications de type mécaniste diffèrent-elles des autres types d'explication apportées en biologie ? Dans quelle mesure l'élucidation d'un mécanisme permet-elle d'expliquer un processus biologique ? La découverte récente de nombreux ARN impliqués dans la régulation de l'expression génétique fournit d'excellents exemples afin d'étudier ces diverses problématiques. En effet, non seulement ces ARN sont largement répandus dans le monde vivant et interviennent dans de nombreux processus biologiques, mais, en outre, certains des mécanismes concernant leur rôle dans la régulation de l'expression génétique sont désormais largement élucidés. Ces mécanismes, complexes, font intervenir un réseau complexe d'ARN, d'ADN et de protéines. Nous nous attacherons lors de cette présentation à montrer en quoi l'étude des ARN régulateurs peut contribuer à explorer les problématiques associées au concept de mécanisme en biolog.

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